Les luttes politiques du dernier siècle

Après la défaite des Gracques, le fossé se creuse entre « réformistes » et « conservateurs » (les démocrates et les aristocrates), autrement dit : les populareset les optimates Trois groupes de pouvoir se constituent à la fin du IIe siècle : le parti sénatorial (nobilitas), les chevaliers, puissants par la fortune et soucieux de participer davantage à la gestion de l’Etat (ces homines novi, « hommes nouveaux » accédent au consulat sans être issus de la noblesse), le parti populaire (les populares), appuyé par le petit peuple et les classes moyennes, disposant du tribunat de la plèbe. Les chefs militaires, poussés souvent par leur ambition personnelle, entrent en scène.

Marius

Chef des populares, c’est un homo novus. Il devient consul en –107. Il gagne la guerre contre le roi Numide Jugurtha en levant une armée de volontaires rétribués, qui constitue un terrible instrument au service des grands généraux, les imperatores, car elle échappe en grande partie au contrôle de la république.

Marius se fait réélire en –104 et restera consul pendant cinq années successives, avec le soutien de son armée, au mépris de toute légalité. Sous sa conduite, le « parti populaire » (les populares) contrôle autoritairement la vie politique.

Sylla

Autre général, représentant de la nobilitas sénatoriale, consul en –88, il restaure le pouvoir de la noblesse sénatoriale. De terribles massacres opposent ses partisans à ceux de Marius, qui meurt en –86. Après une glorieuse campagne en Orient, Sylla, nommé dictateur en –82, réforme le sénat et élimine ses adversaires en dressant des listes de proscriptions : 1600 chevaliers sont ainsi exécutés dans une atmosphère de terreur. Sylla abdique ensuite en –79.
   L’affrontement sanglant entre Marius et Sylla a précipité Rome dans sa première guerre civile. Les imperatores veulent désormais contrôler la vie politique : cette montée du pouvoir personnel fait chanceler les institutions et inaugure l’agonie de la République.

Cicéron et Catilina

Cicéron appartient à une famille de chevaliers très fortunée, mais qui n’a jamais rempli de fonction politique. Pour acquérir de la notoriété et pouvoir briguer une magistrature, il embrasse le métier d’avocat. N’ayant pas de magistrats parmi ses ancêtres, Cicéron est un « homme nouveau » (homo novus). A son époque, le pouvoir n’est plus exercé que par quelques familles conservatrices de la nobilitas. Il est exceptionnel qu’un homo novus accède au consulat. Le système a donc tendance à devenir oligarchique.
    Un noble ruiné L. Sergius Catilina, brigue le consulat pour l’année –63. Cicéron, alors âgé de 42 ans, se présente contre lui. Il est élu grâce aux voix des optimates, qui se méfient de Catilina et préfèrent élever au consulat un homo novus qu’ils croient facile à manipuler.
   Repoussé aux élections, Catilina fomente un complot en vue d’un coup d’Etat : il rassemble des nobles ruinés, quelques aventuriers, et recrute une armée, cantonnée non loin de Rome. Le 22 octobre, Cicéron reçoit les pleins pouvoirs. Catilina projette alors d’assassiner le consul. Prévenu par Crassus, Cicéron échappe à l’attentat.
   Le 8 novembre 63, devant le Sénat, Cicéron prononce, en présence de Catilina lui-même, la Première Catilinaire : c’est le fameux « Jusqu’à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? ». Pris de peur devant la force de conviction de l’orateur et la précision de ses informations, Catilina s’enfuit. Le lendemain, Cicéron emporte l’adhésion du peuple en lui exposant la situation dans un second discours. Deux autres discours (Troisième et Quatrième Catilinaires) précipiteront l’échec des conjurés. 

 Cette affaire a montré qu’on pouvait défendre l’Etat sans recourir nécessairement aux armes : c’est essentiellement par la force de ses discours que Cicéron a pu déjouer la conjuration de Catilina et a exalté ce pouvoir de l’éloquence dans un vers célèbre « Cedant arma togae » : Que les armes reculent devant la toge. Cicéron est d’ailleurs saluer « Père de la patrie » pour avoir sauvé Rome et la République. Cependant, assez vite, il se verra reprocher d’en avoir trop fait, et, notamment, d’avoir abusé de ses pouvoirs en faisant exécuter des citoyens romains, les complices de Catilina. La classe politique le trouve encombrant : les populares veulent se débarrasser de lui, les optimates ne le soutiennent guère. En –58 Cicéron est contraint à l’exil, ses biens sont confisqués et pillés.

 Le poids des imperatores

L’affaire Catilina a une fois encore montré les faiblesses de la République, devenue le champ d’affrontement des partis et surtout des intérêts personnels de leurs « leaders ». Trois hommes marquent la vie politique dans les dernières années de la République : Pompée, Crassus et César.

POMPEE(106-48) :
Il fut l’homme sur lequel s’appuya le plus souvent le sénat romain. La première partie de sa carrière fut marquée par une série de succès militaires (il débarrassa, en outre la mer, des pirates). Cependant, déçu par le sénat, qui ne voit en lui qu’un danger pour la République et pour son propre pouvoir, il se rapproche de deux autres généraux ambitieux, le richissime Crassus et César, avec qui il conclut en 60 un accord secret : le premier triumvirat.

CRASSUS :
Ancien lieutenant de Sylla, il fut rendu célèbre par sa victoire sur Spartacus en –71 -même si Pompée lui a ravit la vedette-. Il acquiert l’essentiel de son influence en aidant, grâce à sa fortune considérable, certains romains en vue comme César.

CESAR (101-43) :
Malgré ses origines aristocratiques (il est issu d’une vieille famille patricienne de Rome : la gens Julii. Il serait descendant de Julius, fils d’Enée), il s’appuya sur le parti populaire (les populares), par tactique, afin d’accéder au pouvoir. A 17 ans, il fut désigné Flamine de Jupiter. Il suivit le cursus honorum, en –67 il est nommé questeur. Il n’hésita pas à emprunter des sommes énormes pour gagner la faveur populaire et organisa des jeux, des fêtes et subventionna des travaux publics. A 38 ans, il se fit élire grand pontife (charge logiquement attribuée à des magistrats chevronnés).


  En –60, ces trois hommes nouèrent par intérêt une entente illégale, un « triumvirat » pour se partager le pouvoir : Pompée, l’homme du sénat apporte l’appui de l’armée, César, ruiné par ses campagnes électorales apporte le soutien du parti populaire, et Crassus, immensément riche apporte l’argent. Mais rapidement, chacun des triumvirs ne cherchent qu’à renforcer sa position par rapport aux deux autres. Conformément à leur accord, César fut consul en –59, puis partit conquérir la Gaule (reddition de Vercingétorix à Alésia en –52) : Pompée avait vaincu l’Orient, césar se devait de « pacifier » l’Occident. Dix ans après, il fut auréolé de gloire, enrichi par sa conquête, soutenu par une armée fidèle et puissante. Ses Commentaires, ouvrage de propagande autant que Mémoires de guerre, écrits au fur et à mesure de l’événement et publiés en –51, entretiennent sa gloire auprès de l’opinion publique. Son armée était redoutable.
    Crassus est tué dans une campagne en Orient contre les Parthes. Quant à Pompée, resté à Rome contrairement aux accords passés, il fait tout pour instaurer un pouvoir personnel au milieu de la plus grande confusion.

   L’affrontement entre Pompée et César était inévitable: il éclate en -49. Pompée, consul unique décide d’envoyer un remplaçant à César, car ce dernier prend trop d’importance par sa conquête de la gaule. César ne peut tolérer cela : il franchit illégalement le Rubicon, limite entre la Gaule Cisalpine et l'Italie, en prononçant cette phrase célèbre : alea jacta est (le dé est lancé), puis marche sur Rome. Cet acte est un véritable coup d’état, car avant de rentrer sur le territoire romain, un général victorieux devait licencier ses troupes. La guerre civile est déclenchée. Elle ne sera pas longue : Pompée s’enfuit en Grèce, César le poursuit et écrase les troupes de Pompée à Pharsale (Thessalie) été –48. Ce dernier se réfugie en Egypte où il est assassiné sur les ordres d’un ministre de Ptolémée, qui pensait ainsi plaire au vainqueur. César pleura sur son rival, châtia ses meurtriers, puis donna le trône d’Egypte à Cléopâtre, dont il devint l’amant. Il continua ses conquêtes en Asie Mineure, où il mena une guerre éclaire, résumée par la célèbre formule « veni, vidi, vici » (-46)

La dictature de César

Après un séjour en Egypte où il a une liaison avec la reine Cléopâtre, César revint à Rome. Devenu maître de Rome, auréolé du prestige de ses victoires, il accumula les honneurs, il put ainsi instaurer à son profit un régime monarchique : En –49, il est nommé dictateur pour 11 jours, en –48 il est consul, en –47 il est dictateur pour un an, il devient dictateur pour 10 ans en -45 puis dictateur à vie en -44, mettant ainsi fin au système républicain. Il entame un important programme de réformes.

Depuis ses triomphes, il vivait dans un appareil quasi royal : monnaies gravées à son effigie, couronne de laurier, statue sur le Capitole à côté de celles des 7 rois de Rome. Il reçoit le titre de « parens patriae » et se présente comme un nouveau Romulus, fondateur de l’Urbs. Cette dignité royale qu’il essaie de faire accepter aux Romains passe mal auprès de beaucoup, en particulier auprès des partisans de la République moribonde.

C’est pourquoi le règne de César fut de courte durée: lors d’une séance du sénat, il est assassiné aux ides de mars (15 mars) –44, de 25 coups de couteaux, par des républicains au rang desquels figurait son fils adoptif, Brutus (« Tu quoque, mi fili ! »). Mais ceux-ci n'avaient pas de projet politique. Leur geste déclencha seulement une nouvelle période de troubles qui devait se terminer par l'instauration définitive de l'Empire.

 

 
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