Les métiers

A Rome

  A l'origine, le Latium est une région essentiel­lement agricole. Les paysans achètent le moins possible au-dehors: ils ont à leur service des es­claves qui fabriquent sur place ce que, dans notre société moderne, nous achèterions dans des ma­gasins. Mais, à mesure que l'empire s'étend, le commerce et l'industrie se développent, grâce à la paix romaine. Les boutiques, les échoppes, les ateliers se multiplient et se spécialisent, tenus par des hommes libres ou par des esclaves travaillant pour le compte de leur maître. Certains se re­groupent en différents secteurs de la ville: il y a, à Rome, une rue des barbiers, une rue des ver­riers, un quartier des cordonniers et des libraires. Très souvent, l'ouvrier vend lui-même les pro­duits de son travail.

  Ainsi pouvait-on croiser, dans les rues de Rome, un mar­chand ambulant qui proposait des pommes aux passants. On pouvait passer devant la boutique du boulanger (pistor), du boucher (lanius), du mar­chand de lupins (lupinarius) , du marchand de melons (peponarius), du marchand de vin (vinarius), du cordonnier (sutor), du forgeron (fer­rarius)... Il y avait un centre commercial (macellum), réunion de boutiques au­tour d'une place (forum), on faisait ces achats au forum holitorium (spécialisé dans les légumes), ou au forum piscatorium (spécialisé dans les poissons).
  Ce sont les hommes ou les esclaves qui, généralement, font les achats.

   Dans les cabarets (popinae) aux murs couverts de graffiti écrits par les clients, les hommes se désaltéraient de vin coupé d'eau ou d’une boisson chaude aromatisée.
   On trouvait aussi des barbiers (tonsor), car à partir d’un certain âge, il est décent d'être glabre; seuls les jeunes gens peuvent se permettre de porter une petite barbe et des favoris.
   Rome était la capitale du luxe et des objets d'art. D'habiles ouvriers façonnaient et cisèlaient les ma­tières précieuses: or, argent, cristal, ivoire, perles. L'orfèvre (aurifex) vendait aux élégantes: bagues, broches, boucles d'oreille, colliers, miroirs de mé­tal, bracelets... Les petits objets d'ambre étaient très appréciés à cause de leur odeur agréable.

  La même activité règnait dans toutes les villes de l'Empire. Certaines régions étaient renommées pour des productions qu'elles exportaient parfois très loin, vers la capitale notamment.
  La ville d'Arrétium (Arezzo), en Etrurie, fabriquait des céramiques or­nées de décors en relief. C'était une industrie très importante, car de très nombreux objets d'usage quotidien étaient faits avec cette matière: cruches, vases pour la cuisine, lampes pour l'éclairage, amphores pour le transport de l'huile, du vin, des céréales, du miel... Malgré leur concentration dans une même ville, les potiers n'en restaient pas moins des artisans qui signaient au moyen d'un poinçon les œuvres sortant de leurs ateliers.
   Pu­téoli (Pouzzoles) était un centre métallurgique où l'on travaillait le fer extrait de l'île d'Elbe. La ville de Pompéi expédiait du garum, sorte de sauce de poisson que les cuisiniers mettaient dans presque tous les plats.
   L'Espagne était célèbre pour ses mines de fer, d'or, d'argent. On appréciait les peaux, les salaisons, les fromages en provenance de la Gaule, mais nos ancêtres avaient aussi une répu­tation d'excellents charrons; les Latins leur ont emprunté les modèles et les noms de plusieurs véhicules: le lourd carrus, fourgon employé par les militaires, ou la raeda, berline pour le transport des voyageurs.
   En Gaule encore, les ateliers de la région de l'Allier (Lezoux) se placent au pre­mier rang des fabricants de poteries. De l'an­cienne Phénicie vient la pourpre, matière colo­rante très chère et très estimée parce qu'elle est inaltérable. Elle est extraite du corps d'un co­quillage, le murex, que récoltent des plongeurs. Les teinturiers en tiraient de multiples nuances al­lant du jaune au marron, du violet à l'amarante. La pourpre rouge était un signe de dignité: c'était la couleur du manteau de l'imperator (général en chef) ; les membres de l'ordre équestre en portaient une bande étroite sur leur toge (angusticlave), et ceux de l'ordre sénatorial une bande plus large (laticlave).

Sous l'Empire, on dénombre à Rome plus de cent cinquante corps de métiers. Les ouvriers ou les négociants sont organisés en corporations dont le rôle est de défendre la profession, d'assurer aux membres décédés des funérailles décentes et de célébrer le culte du dieu protecteur. A Lutèce, c'est le riche syndicat des nautes (mariniers de la Seine) qui fit construire pour le public les thermes dont nous voyons encore d'imposants vestiges.

 A Pompéi

On estime que 20 000 habitants, dont 8 000 es­claves, peuplaient la cité de Pompéi. Les riches tiraient leurs revenus des domaines agri­coles (vignes, oliviers, amandiers, céréales, miel, élevage, cultures maraîchères). Ils avaient aussi des intérêts dans des activités qui entraînaient d'im­portants investissements: commerce de gros, boulangeries industrielles, briquetteries, trans­ports maritimes... La ville disposait en effet d'un port proche (on a retrouvé en Dalmatie des tui­les pompéiennes exportées et, dans une maison de Pompéi, une statuette en ivoire provenant de l'Inde). Un des membres de la grande famille locale des Umbricii s'est enrichi dans la produc­tion du garum, sauce faite de poissons pilon­nés, fermentés, aromatisés, à l'odeur très forte.

INDUSTRIES
Le travail de la laine s'effectuait dans des fabri­ques où se déroulaient de nombreuses opéra­tions : lavage, cardage, filage, teinture, tissage, foulage; les toiles obtenues devaient être pei­gnées et soufrées, pour obtenir de l'éclat. Tout ce processus ressort de l'analyse des fouilles, mais aussi de peintures retrouvées sur les murs d'une entreprise. Les boulangeries présentaient parfois de grandes dimensions; elles compor­taient non seulement les salles à pétrir et le four, mais aussi des meules à grain actionnées par des esclaves ou un âne. Pompéi possèdait aussi des teintureries, pour le nettoyage des vêtements, des tanneries, des fabriques de briques, de tui­les, d'amphores et de récipients de terre cuite, qui servent à la conservation et au transport de nombreux produits: vin, huile, grains...

ARTISANS , BOUTIQUIERS
Le long des rues s'ouvraient des échoppes et des boutiques de forgerons, barbiers, orfevres, parfumeurs, cordonniers, menuisiers, mar­briers, brocanteurs, charrons, plombiers, prê­teurs... Ces artisans étaient parfois organisés en corporations qui participaient à l'embellissement de la cité en offrant des statues. Pour les comes­tibles, on se rendait au marché. Des charretiers, muletiers, portefaix assuraient les transports. Des marchands ambulants proposent de l'ail, de petits pains chauds sur des fours portatifs, de quoi boire. Si l'on était pris par une grosse faim, on pouvait s'arrêter au thermopolium, qui pro­posait à son comptoir des plats cuisinés et des boissons chaudes. Dans les auberges, on pouvait boire, manger, jouer aux dés - malgré l'inter­diction -, trouver une chambre ou un lit dans un dortoir, et même s'isoler quelque temps avec une serveuse.

LE RÔLE DES FEMMES

Les femmes ont acquis un début d'émanci­pation et ne restaient pas reléguées à l'intérieur de leur domicile; elles fréquentaient la rue et faisaient leurs achats. Elles jouaient leur rôle de maîtres­ses de maison, les possibilités d'emploi n'abon­dant pas. Les épouses d'artisans reçoivaient les clients. Plusieurs auberges étaient tenues par des patronnes, mais cette activité n'était pas consi­dérée comme très honorable. Les peintures montrent aussi des ouvrières et des servantes au travail. À un niveau social plus élevé, de riches héritières gèraient leur patrimoine. L'une d'entre elles, Eumachia, a su le faire prospérer et elle détient une grande importance sociale; elle a fait bâtir, sur le forum, une splendide basi­lique destinée au commerce de la laine et de l'habilleme
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